Texte extrait du bulletin de la Sté Linéenne de Lyon N° 3 mars 1975
L'ANCIENNE MINE de MANGANESE
par A. Chermette
<< Producteur du célèbre crû << Moulin a Vent>>, le village de Romanèche-Thorins doit également sa renommée à l'intense activité minière dont il fut le siège pendant plus d'un siècle.
L'extraction du minerai y fut très active et prospère au coeur même du village et les belles cristallisations qui y furent trouvées en font aussi un des hauts lieux de la minéralogie française. Une espèce bien définie de dioxyde de manganèse, la romanèchite, tire son appellation du nom de la cité.
Le minerai de manganèse de Romanèche était probablement connu avant 1750. Dans les annales de l' Académie de Mâcon figure une note du minéralogiste Déodat Dolomieu qui parle des gisements de manganèse de Romanèche Thorins,( Journal des Mines, t. IV, n° 19, an IV (1796)). Le métal ne fut découvert comme élément chimique qu'en 1774 par le chimiste suédois SCHEELE et ses applications industrielles se développèrent qu'au cours du XIX ème siècle
Primitivement utilisé en verrerie, pour teinter ou blanchir le verre d'où son nom de "savon des verriers", son intérêt dans la métallurgie de l'acier fut découvert vers 1810/1820.
Cette nouvelle découverte, provoqua rapidement un besoin important en manganèse. Le gisement de Romanèche étant le plus important connu en France, son exploitation rationnelle et industrielle fur alors organisée. Une première concession d'exploitation fut crée par ordonnance royale le 27 Août 1823. Cette concession comprenait la partie N.-O. de la commune en excluant un polygone de 8 ha 34a centré approximativement sur la place du village.
Le sort de ce polygone fut défini par l'ordonnance du 8 Novembre 1829, qui divisa l'exploitation en 3 parties
- une concession de 4ha22a fut concédée à Mrs JOUESSIN, MAZOYER et CADOT sous le nom de concession du Grand Filon
- une autre concession de 2ha33a, fut attribuée aux sieurs RACLET et LACHAUME avec la désignation de concession de la Vieille Cure
- La troisième partie dite de l'Église, fut attribuée provisoirement à la commune de Romanèche pour être exploitée à ciel ouvert. la commune étant autorisée à vendre le minerai extrait de sa concession.
En fait cette concession provisoire de la réserve de l'Église dura jusqu'en 1860. L'excavation réalisée avait alors une profondeur de 32 mètres. L'ingénieur en chef des Mines de Chalons sur Saône recommanda alors vivement de combler ce trou.
Cette photo originale extraite du livre de Mr Léon Foillard, montre selon la légende l'état de la mine vers 1850. La date est manifestement erronée. En effet sur cette photo on constate la présence de la nouvelle église, et de son clocher pointu, qui n'a été construite qu'en 1862. La photo est donc postérieure à cette date.
On note aussi l'existence de cette cheminée carrée que l'on apperçoit fumante ou non sur certaines cartes de l'église vue de face. Le plan des mines de 1868 nous montre l'importance de l'exploitation. A cette époque les mines de Romanèche-Thorins étaient les plus importantes de France.
Cette carte est la plus ancienne que je possède. Un élément précis permet de l'affirmer. La rue qui descends à la Rivière est soutenue par des voûtes, construites aux XIX ème siècle lors des exploitations précédentes. Au dessus de ces voûtes on constate la présence d'un immeuble qui disparaît sur toutes les autres cartes. Ce fait sera aussi constaté sur des cartes de la place de l'église. Noter aussi que la cheminée carrée a disparu du paysage minier. A quelle date a-t-elle été rasée ?
Cette carte est datée du 2 juillet 1904, et le dos est partagé donc elle a été imprimée au mieux en 1903. Mais à quelle date la photo a-t-elle été réalisée....?. Pour mémoire c'est en 1905 que la société du Grand Filon a sollicité une extension de son exploitation à la zone de l'église. Il semble qu'ils aient anticipé l'accord de la commune.
Si vous comparez avec les clichés ci dessous, vous constaterez que les voûtes ont disparues et l'immeuble a été rasé. Toutefois, un mystère subsiste ! Sur les cartes de l'église après démolition de l'immeuble, on aperçoit une cheminée qui fume ! Où était cette cheminée qui n'est visible sur aucun des clichés de la mine où on voit aussi l'église ?
Cinq cartes du Puits Mazoyer,situé au bord de la rue qui descends à la Rivière. Le carreau de la mine était à l'emplacement du stade et du boulodrome actuel. La carte ci dessous signée Belin est parmi les plus ancienne. Cet éditeur a été un des premiers à éditer des cartes de Romanèche.
Les plans et la construction du chevalement du puits Mazoyer on été réalisé par P.F. Guillon.
Plusieurs puits furent creusés dans les deux autres concessions. On peut citer le puits de l'Atelier, le puits des Boulons, le puits Mazoyer, le puits des Verchères et le puits des Métairiers qui a atteint 80 m de profondeur.
L'exploitation des ces concessions dura sans interruption de 1829 à 1919, avec des fortunes très diverses et des changements de raison sociales. L'appauvrissement progressif du site incita la société du Grand Filon à solliciter en 1905 une extension de sa concession au polygone de réserve de l'église afin de poursuivre l'exploitation en souterrain. La société s'engageait à démolir et reconstruire à neuf l'église en cas de dommage de l'édifice. Cette église construite sur le site actuel en 1835 remplaçait une ancienne église à colonnade. En 1916 , l'augmentation des besoins liés à la guerre amena la Société des Aciéries de Paris et d' Outreau à s'intéresser au gisement de Romanèche.
Elle repris la concession du Grand Filon avec l'acceptation de la commune de procéder à des travaux de reconnaissance aux abords de l'église. Ces travaux ne devaient s'approcher à moins de 12 mètres de l'aplomb des contreforts de l'église et passer à plus de 50 m en souterrain. Ces travaux débutèrent en septembre 1918. Ils furent arrêtés en 1919 compte tenu de la pauvreté des matériaux extrait.
En 1922 le société Anonyme des Mines de Romanèche qui avait été crée pour cette exploitation , renonçait définitivement à sa concession.
Le cliché de droite est postérieur a celui de gauche. La tête du puits de mine a été démonté
Nous sommes à la fin des années 1920 et les mines ont disparues du paysage du bourg.
En 96 années d'exploitation le gisement de Romanèche a fourni 440 000 to de minerai à l'industrie.
Fac similé d'une lettre commande minerai adressée à Messieurs Jouesnin, Mazoyer et Cadot, par la société marseillaise "Auguste PRAT & Cie". La commande porte sur 200 à 300 tonnes, qui serons acheminées par bateau. Le client se plaint de l'attitude pas toujours parfaite des capitaines de bateau, ainsi que de la qualité de la dernière livraison
La lettre porte trois cachets postaux: Marseille 12 octobre 1848 ; Lyon 13 Octobre et Romanèche 14 octobre 1848. La poste du XXI ème siècle ne fait pas mieux
Une tentative de relance de l'exploitation eu lieu à la fin des années 50 , mais elle se solda par un échec. Des traces de cette tentative sont visibles sur quelques cartes postales de cette époque. Sur la photo ci dessous, devant l'église on distingue un enclos avec une palissade en bois et de l'autre coté de la rue un cabanon en bois. C'est là que les forages d'exploration on été pratiqué.
Voir aussi :
Mémoire de la Sté d'agriculture, sciences et industrie de Lyon - 1835 pages 82 et 83
Dictionnaire des découvertes en France 1823 pages 102 et 103
Rapport d'exploitation des Substances minérales 1823 page 701
Annales des mines 1844 pages 655 à 660
Annales des Mines pages 655 à 659
Annales des sciences naturelles 1828 pages 285 à 298
Annales des mines - 1823 pages 934 et 935
Annales des mines - 1823 page 192
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